« Vous vivez dans l’illusion et l’apparence des choses. Une réalité existe, mais vous ne le savez pas. Lorsque vous le comprenez, vous découvrez que vous n’êtes rien et que n’étant rien… vous êtes tout. Tout est là. » — Kalou Rinpoché
À L’ILOT, j’accompagne quotidiennement des individus et des organisations à explorer le sens de leurs actions, à découvrir avec curiosité les possibilités qui se trouvent tout autour d’eux et à expérimenter de nouveaux chemins menant à la transformation.
Partout, dans tous les secteurs d’activités avec lesquels nous travaillons, les gens affirment que le monde est de plus en plus volatile, incertain, complexe et ambigu. Les nombreux événements de l’année 2020 en sont une illustration percutante.
C’est pourquoi depuis la création de L’ILOT, nous utilisons régulièrement le concept de la complexité comme entrée en matière au dialogue et à l’exploration du champ des possibles. J’invite souvent les personnes que j’accompagne à « accueillir la complexité » : en prendre conscience, l’observer, la reconnaitre, l’explorer.
Et, tout dernièrement, à travers une expérience très personnelle, j’ai pris conscience de ma propre croyance entourant le fait que je comprenais ce dont je parlais lorsque je parlais « d’accueil de la complexité ». Bien sûr, je connaissais les concepts théoriques et les outils pour guider des réflexions pertinentes à ce sujet, mais jusqu’alors je n’avais jamais vécu une expérience aussi significative me permettant de réellement ressentir ce que signifie « accueillir la complexité ».
Je n’ai toujours pas l’assurance que cette expérience significative qui est la mienne est celle de « l’accueil de la complexité », mais, à travers elle, j’ai fait trois découvertes importantes qui m’ont permis de comprendre que « je n’étais rien… et que n’étant rien… j’étais tout. »
Cesser de vouloir « décomplexifier »
Il y a maintenant près de 18 mois, je me suis réfugiée dans un creux, un brouillard, un espace inconnu… une cachette secrète. Face à la complexité du monde, je n’arrivais plus à être bien. Travail, famille, amies, responsabilités, réalisations, projets, défis, etc. : toutes les actions que je posais pour m’aider à garder un certain « contrôle » sur ma vie ne faisaient que complexifier mon environnement. Je n’avais plus l’énergie de jongler avec toutes ces facettes de ma vie qui filaient à toute allure.
Si me réfugier dans une cachette secrète n’a pas été la bonne solution pour moi, j’en ai tout de même tiré un apprentissage important. Au creux de mon brouillard, seule à ne rien faire, j’ai pris conscience qu’en cessant de vouloir « décomplexifier » la complexité autour de moi, je me sentais plus reposée. Je crois même pouvoir affirmer que ce repos m’a permis d’entrevoir de nouvelles perspectives et des angles morts dans cet univers complexe.
Est-ce que cela signifiait que « je n’étais rien » dans ce monde complexe ? Que toutes ces actions, ces projets, ces initiatives que j’actualisais pour tenter de simplifier mon univers, en avoir le contrôle et « décomplexifier » le complexe, c’était en vain ?
Cesser de voir la complexité comme un problème
Du fond de ma cachette secrète, j’ai alors compris que j’avais fait fausse route, que je m’étais égarée. Au cours des dernières années, j’avais inconsciemment adopté la croyance que la complexité est un problème à régler.
Si j’étais tout à fait capable de jongler et de travailler avec le concept de « l’accueil de la complexité » dans les processus d’innovation et de transformation que nous menions à L’ILOT, j’avais complètement perdu de vue comment cela pouvait s’appliquer à moi, à mon univers personnel, à mon quotidien.
Explorée comme quelque chose d’extérieur à nous (d’extérieur à chacun d’entre nous), la complexité en contexte de changement social ne devient-elle pas quelque chose « à gérer » ? Et, dans l’effort déployé à « régler les problèmes », ne nous égarons-nous pas dans cette seule perspective ? Et si la complexité extérieure et ma complexité intérieure étaient une seule et même chose ?
Et si je cessais de voir cette complexité comme un problème ? Et si je cessais de me voir comme « un problème à régler »… peut-être « ne suis-je pas rien » finalement ?
Observer la complexité avec compassion
Choisir d’observer la complexité comme un obstacle à surmonter ou de l’observer comme une alliée nous entraine sur deux chemins tout à fait différents. Dans la foulée de toutes ces choses à régler, de ces problèmes à gérer et de cette complexité à décomplexifier, j’en avais oublié d’aimer.
Si en fait « je ne suis rien » dans ce monde complexe, « je suis aussi tout »… Tout est là ! S’il n’y a rien à « faire », je peux « être ». Et, si j’ai le temps « d’être »… j’ai l’espace pour aimer. Aimer la complexité, l’apprivoiser : la mienne, celle des autres, celle du monde.
Wayner Dyer disait « quand on change notre façon de voir les choses, ce sont les choses qui changent ».
Aujourd’hui, je me sens plus connectée à ma complexité intérieure et, par conséquent, plus connectée à la complexité du monde. Cette connexion s’est manifestée par cette ouverture du cœur envers moi-même et envers les autres.
Même si tout cela n’est pas encore tout à fait au point dans mon monde intérieur, je sens que je suis sur une voie énergisante et transformatrice pour moi et pour les personnes qui m’entourent.
J’ai maintenant parfois le doux sentiment de danser avec cette complexité, de la ressentir à l’intérieur et d’agir en interdépendance avec elle.
N’est-ce pas cela enfin « accueillir la complexité » ?
Sonia Lefebvre
25 octobre 2020
Kommentare